General Assemblies
#AppelDesIndependants [Action] Ex :
Participants:
Pierre-Jean Balzan, éditeur, La fosse aux ours
Delphine Valentin, traductrice littéraire, éditrice (Payot Rivages).
Frederik Houdaer, auteur, éditeur, organisateur d’évènements. Clos-Jouve éditions.
Philippe Bouvier, éditeur, Clos-Jouve éditions.
Yann Nicol, modérateur, animateur, organisateur d’évènements littéraires. Fête du livre de Bron
Gwilhem Perthuis, libraire, éditeur, organisateur d’évènements. Hippocampe édition, festival Livraisons.
Marianne Betinas, libraire. L’astragale.
Maya Flandin, libraire, vice-présidente du Syndicat de la librairie française. Vivement Dimanche.
Florence Roller, éditrice, 205 éditions
Carole Fives, romancière. (en visio)
Hélène Fischbach, Maiwenn Catheline, directrice, administratrice Quais du Polar.
Olivier Jouvray, scénariste, auteur, éditeur de revue, organisateur d’évènements.
Paul Ruellan, Trente trois morceaux éditions.
Co-rapporteurs:
Anne-Caroline-Jambaud, directrice du pôle idées, Arty-Farty.
Marie-Laure Blot, ancienne éditrice, François Bourin éditeur.
François Pirola, Arty-Farty, Quais du Polar.
Animateur:
Stéphane Duchêne, journaliste, modérateur. Petit Bulletin.
Meeting report
Axes de réflexion et de propositions
- Mesures d’urgences liées à la crise sanitaire : la question du paiement de l’intégralité des événements annulés
- Le statut d’auteur.autrice
- La professionnalisation des métiers d’auteurs.autrices
- La « surproduction » littéraire
- La coordination et la fédération des éditeurs indépendants
- La reconnaissance et la visibilité des métiers du livre
- La lourdeur administrative
- Les structures d’aides et l’établissement des critères d’aides du CNL
- Le renouveau de la médiation culturelle à destination des jeunes générations
- La part qui revient à l’auteur dans le livre
1. Mesures d’urgences liées à la crise sanitaire : la question du paiement de l’intégralité des événements annulés
Alors que certains festivals ont payé leurs auteurs malgré les annulations, d’autres ont suspendu voire supprimé les paiements aux auteurs. De même, les ateliers organisés pour les publics scolaires organisés au collège ou au lycée ont été annulés sans mesure compensatoire au niveau de l’éducation nationale. Les rémunérations n’ont pas été maintenues car ces ateliers n’étaient pas reportables, ou ont été reportés à l’année suivante, correspondant à d’autres budgets.
Proposition formulée : que tous les contrats (même annulés) soient honorés, pour assurer une viabilité.
2. Le statut d’auteur.autrice
Les participantes et participants estiment qu’il faudrait un statut pour les auteurs, et repenser la notion de statut à cette occasion. De même que pour les artistes plasticiens, l’absence de statut pour les auteurs est un manque. Un statut acceptable serait un statut d’intermittence permettant de lisser les revenus et de compenser la variation de revenus des droits d’auteurs qui peut être très importante d’un mois à l’autre. Il s’agit d’une revendication générale pour le secteur, hors temps de crise : en effet, beaucoup d’auteurs ont un autre travail à côté de leur activité d’écriture du fait de l’absence de statut professionnel pour cette activité, et du fait de la précarité qui en découle. Il serait ainsi souhaitable que les auteurs puissent se regrouper pour penser collectivement ces questions, pour défendre leurs droits et acquérir un statut.
De plus, dans le cadre de la crise sanitaire, cette absence de statut a été d’autant plus pénalisante pour le secteur. La diversité des situations, notamment dans le milieu de la bande-dessinée, est frappante : les auteurs de bande dessinée illustrateurs ont un statut différent des scénaristes. En effet, les illustrateurs disposent le plus souvent d’un numéro SIRET, entrant dans la norme de la microentreprise, et ont donc eu des aides plus facilement, contrairement aux scénaristes inscrits à l’AGESSA qui n’ont pas bénéficié de cette facilité pour l’obtention des aides. Ainsi, dans le cadre de la crise sanitaire, cette différence de statuts a constitué une réelle inégalité de traitement : par exemple, la métropole de Lyon avait prévu de verser une aide automatique aux petites entreprises, et le traitement était automatique pour toutes les structures éligibles, donc les auteurs sans numéro SIRET n’ont rien obtenu.
Dans le cadre de la crise sanitaire, l’obtention d’aides a été très aléatoire du fait de l’absence de statut : ceux qui avaient gagné de l’argent l’an dernier et pas cette année en ont bénéficié, alors qu’à l’inverse, ceux qui n’avaient que très peu de revenus l’année dernière et qui ont reçu des droits d’auteurs au début de l’année 2020 n’en ont pas bénéficié. Un statut intermittent qui permettrait de lisser les revenus serait davantage souhaitable.
Proposition formulée : que les auteurs puissent avoir le statut d'intermittent.
3. La professionnalisation des métiers d’auteurs.autrices
La première revendication des professionnels du secteur est de pouvoir vivre de leur activité d’écriture. Le gouvernement, et le personnel politique, donne l’impression aux professionnels du secteur qu’ils et elles devraient se contenter d’une richesse symbolique. La chance d’être créatif, d’être un artiste, serait suffisant et ne nécessiterait pas de rémunération. Cette notion de l’artiste qui se contenterait de la richesse symbolique est malheureusement une idée diffusée partout, chez les politiques mais aussi dans les grands groupes éditoriaux : ils ne donnent pas une rémunération satisfaisante aux auteurs parce qu’ils se disent que ceux-ci devraient déjà être honorés d’être publiés. Cette situation ne permet pas aux auteurs de vivre de leur métier et doivent souvent cumuler avec une autre profession.
Il existe un constat d’une multiplication des activités qui touchent davantage à la culturelle qu’au métier d’écrivain, qui est une part importante du métier mais qui n’est pas, pour beaucoup d’auteurs, leur coeur de métier. Il y a une demande globale qui s’accroît pour le dépassement de l’activité d’écriture, vers une multiplication des actions de médiation. La médiation est souvent cruciale aux projets, car un projet culturel est souvent animé par l’envie de transmettre, mais cette mise en concurrence des activités peut parfois s’avérer compliquée à gérer.
De plus, les subventionneurs publics demandent toujours davantage de médiation, d’actions dans les écoles, dans les régions, etc. mais sans allocation de budgets supplémentaires pour ces actions, ce qui les mène à une concurrence entre ces deux activités. La pression est de plus en plus forte et dure à assumer, d’autant plus qu’elle n’est accompagnée en termes de budgets ni par les éditeurs ni par les subventionneurs.
Proposition formulée : Que les activités annexes à l'écriture (médiation) soient subventionnées.
4. La « surproduction » littéraire
On peut dresser le constat d’une inflation du nombre de titres littéraires qui sortent chaque année. D’un côté, la forte production de titres permet aux maisons d’éditions d’avoir une trésorerie viable, et permet d’assurer une activité pour les auteurs et traducteurs. En effet, quand une maison d’édition est en difficulté, elle publie davantage de titres pour que les libraires les achètent, permettant de disposer d’une trésorerie, puis les librairies retournent les invendus qu’il faut ensuite rembourser. Ce système d’office, dont la raison principale est cette trésorerie, conduit à la multiplication de la production chez les petits éditeurs. D’un autre côté, et au-delà de ces côtés positifs de la multiplication des titres, l’idée a été abordée de ralentir la production car la multiplication du nombre de livres conduit à un manque de lisibilité pour les lecteurs et pour les libraires qui doivent sélectionner et acheter ces titres.
En effet, le rythme soutenu des publications – surtout lors des rentrées littéraires – réduit la fenêtre d’exposition des livres en générant un cycle ultra-rapide peu vertueux surtout pour les jeunes auteurs. Dans ce cadre, les libraires n’ont pas assez de temps à consacrer à chaque titre face au grand volume de publications, ce qui les force à être très subjectifs et à ne pas pouvoir défendre les petites maisons d’édition comme elles le souhaiteraient. Il faudrait donc arriver à décélérer ce rythme, et publier moins de titres mais accentuer la dimension qualitative des titres publiés.
5. La coordination et la fédération des éditeurs indépendants
Il a été rappelé que la fédération des auteurs pour la défense d’un statut spécifique intermittent serait souhaitable. Il en va de même pour les éditeurs indépendants ; ce qui manque est une coordination et une cohésion entre éditeurs indépendants. Il faudrait une structuration. Les maisons d’édition recourent de plus en plus à l’externalisation de certaines fonctions (des attachés de presse extérieurs par exemple) qui travaillent pour plusieurs maisons d’édition indépendantes ; il serait donc intéressant de constituer un réseau d’éditeurs indépendants pour faciliter la mise en réseau.
L’exemple du Royaume-Uni, dans un contexte d’absence de subventions publiques, permet de voir à quel point l’alliance des indépendants a été une force. Cet exemple pourrait aider à matérialiser la fédération des éditeurs indépendants en France, permettant de grouper les actions à tous les niveaux de la chaîne du livre : impression, distribution, représentation commune et communication des intérêts des éditeurs indépendants.
Proposition formulée : développer une réseau des éditeurs indépendants afin de mutualiser certains niveaux de la chaîne du livre.
6. La reconnaissance et la visibilité des métiers du livre
Il existe un consensus de la part de tous les professionnels du livre face au constat d’une méconnaissance des métiers du livre par les responsables politiques mais aussi par toutes les instances intermédiaires (pôle emploi, les impôts). L’invisibilité institutionnelle est un problème majeur : les différentes instances ne connaissent pas les métiers du livre, les enjeux qui les animent. Il faudrait donc faire un travail de communication, de visibilisation des spécificités de ces métiers afin de faciliter le dialogue avec les instances et de mieux personnaliser l’accompagnement et les aides disponibles.
Proposition formulée : mieux faire connaître le fonctionnement et les enjeux qui traversent le secteur de l'édition
7. La lourdeur administrative
La complexité des mesures administratives pour obtenir des aides est souvent un frein pour les professionnels du secteur. Par exemple, dans le cadre de la crise sanitaire, certaines aides étaient disponibles sur demande d’un formulaire qu’il fallait déposer avant le 15 juin et qui était rendu disponible le 9 juin, c’est-à-dire avec des délais très resserrés avec une visibilité faible. Beaucoup d’auteurs n’ont donc même pas demandé les aides, face à une machine administrative demandant énormément de justificatifs, bloquant souvent les processus. Cette lourdeur a découragé beaucoup de personnes. Il faudrait donc un accompagnement, une meilleure visibilité en termes de procédures administratives pour demander des aides, pour savoir à quelles aides on est éligible.
La complexité de cet accompagnement est que les procédures administratives changent souvent, ce qui empêche d’avoir une visibilité sur les procédures à entreprendre. Il faudrait une meilleure communication au sujet des différents changements de procédures.
Proposition formulée : simplifier et rendre plus lisible et transparent les démarches administratives d'aides.
8. Les structures d’aides et l’établissement des critères d’aides du CNL
Les aides du CNL sont assez aléatoires dans une maison d’édition. Pas ou peu d’aides structurelles, c’est des aides au projet, aux livres particuliers. Il y a peut-être quelques aides (pour du matériel informatique, pour monter la maison d’édition, ou + spécifiquement pour un ouvrage). Il y a un manque de rationalité dans les aides CNL, dans les décisions prises concernant les aides. Les petits éditeurs peuvent vouloir prendre des risques et ne pas forcément être aidés sur certains projets, mais d’autres productions sont patrimoniales et contribuent au service public de la culture en termes de diversité des publications, et donc ces oeuvres là mériteraient des subventions.
Globalement, les livres qui ont le plus besoin de ce levier de subventions ne sont pas forcément aidés, et ceux qui auraient pu vivre sans les subventions avec un chiffre de vente quasi-assuré reçoivent des subventions. Il existe une certaine opacité de l’attribution des aides, au sein des commissions du CNL – bien que les membres des commissions soient des professionnels du livre dont le jugement n’est pas remis en question – ; il serait donc intéressant de pouvoir ouvrir la discussion autour des critères, voir en 2020 quels seront les dispositifs sur la décennie à venir et les critères. Puisque les montants alloués aux aides se sont réduits sur les dernières années, moins de subventions sont accordées pour les projets ; la question des critères est donc d’autant plus cruciale. De plus, il faudrait voir comment le ministre de la culture va préserver la part du CNL dans ses budgets, pour pouvoir multiplier les aides.
Plus généralement, il conviendrait de questionner la place d’un organisme comme le CNL et engager une réflexion sur son rôle, au-delà de son rôle de « guichet » de subventions.
9. Le renouveau de la médiation culturelle à destination des jeunes générations
L’un des problèmes majeurs, qui est à la clé de la paupérisation et de la précarisation du statut d’auteur, est la diminution du lectorat. Comment gagner sa vie en tant qu’auteur au milieu d’une crise du lectorat et d’une baisse des ventes ? Les festivals littéraires, les rencontres sont liés à la promotion de cette littérature, et la résonnance, la fréquentation, n’est pas toujours en corrélation avec les chiffres de vente. Il y a la question de la fréquentation, et la question de susciter l’envie de lecture. La baisse du lectorat induit une plus grande précarité des auteurs donc il faut susciter des lecteurs. Il faut multiplier les manifestations culturelles, trouver des moyens de redévelopper des actions massives de médiation, et adaptées, redéfinies, redéclinées à partir du rapport de notre société à la littérature. Le lectorat est de plus en plus une « niche », et il faut donc susciter des modes de médiation qui ne soient pas des réponses à des dispositifs venant d’en haut, mais qui soient des médiations massives qui émanent des structures, à réinventer, à redéfinir, avec toutes les connaissances locales du tissu local etc.
Les publics cibles sont la tranche d’âge des 25-40 ans, qui sont très éloignés en termes de lectorat. Il faut susciter un vrai engagement pour la culture, et ne pas inciter les personnes à venir dans les librairies indépendantes ou à les soutenir par « pitié » ; les bons conseils, le dynamisme, les compétences des librairies et l’envie de découverte doivent être les moteurs de la venue des personnes en librairie. Pour toucher les jeunes, il faut montrer le dynamisme des librairies et de la nouvelle génération.
De plus, la suscitation du désir de lecture doit se traduire par une approche en termes de politiques publiques de développement des bibliothèques dans les endroits qui sont dépourvus à la fois de bibliothèques et de librairies. C’est le cas notamment à Vénissieux où il n’y a plus de point de vente de livres, mise à part dans une grande surface.
Proposition formulée : Avoir un plan massif et ambitieux de médiation de la lecture auprès des publics cibles (jeunes, 25-40, territoires défavorisés ...)
10. La part qui revient à l’auteur dans le livre
L’un des intervenants est président d’une maison d’édition associative et a pris l’engagement de réserver 33% du prix de vente aux auteurs. Il serait intéressant d’engager une réflexion sur la part qui revient à l’auteur dans la vente de libres. Souvent, la majeure partie des revenus du livre sert à faire fonctionner l’entreprise. Il s’agit d’une responsabilité individuelle des maisons d’édition, mais c’est une réflexion à engager.
Proposition formulée : questionner les niveaux de rémunération des auteurs.
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